Tout dans cette victoire dans le Tournoi des Six Nations féminin semblait être écrit pour les Françaises. Déjà, l’année, 2014. La France se préparait à accueillir la Coupe du Monde de Rugby du 1er au 17 août. Ensuite la date de cette cinquième journée, le 14 mars, soit une semaine après la journée internationale des droits des femmes. Enfin la capitaine, Gaëlle Mignot qui avait pris ce jour-là pour la première fois le brassard de capitaine et qui allait le garder jusqu’à sa retraite internationale en juin 2021.

Ce vendredi 14 mars à 18h30 donc, le Stade du Hameau à Pau plongeait tranquillement dans la nuit. La journée avait été ensoleillée et la France venait de gagner ses quatre précédentes rencontres. Elle s’apprêtait à jouer l’Irlande, tenante du titre et qui comptait deux victoires en début de Tournoi pour ce dernier rendez-vous.

« On avait un super groupe », se souvient la deuxième ou troisième-ligne du XV de France féminin, Safi N’Diaye. Jennifer Troncy, Elodie Poublan, Christelle Le Duff, Elodie Portariés, Laëtitia Grand, Lise Arricastre, Shannon Izar, Sandrine Agricole, Marjorie Mayans, Camille Grassineau, Jessy Trémoulière, Yanna Rivoalen… donnent le meilleur d’elles-mêmes. Annick Hayraud est déjà la manager de l’équipe de France.

Des Bleues invincibles

Les ambitions sont grandes. Après 2002, 2004 et 2005, la France est à 80 minutes de remporter le Grand Chelem. Depuis le début de ce Tournoi 2014, les Bleues semblent invincibles. Elles n’ont encaissé aucun essai en quatre matches. La défense est bonne et elle peut encore tenir.

La France ne tarde pas à imposer son rythme et un premier ballon est aplati dans l’en-but irlandais par Marion Lièvre à la 6e minute après une action débutée par Safi N’Diaye. Le score restera bloqué à 5-0 jusqu’à la pause mais l’ambiance est à son maximum avec pas loin de 8 500 spectateurs autour de la pelouse.

« Cette année 2014, on sentait que le rugby féminin prenait de plus en plus d’ampleur en France. Il y avait de plus en plus de monde au stade, de plus en plus de gens regardaient le match à la TV, il y avait eu beaucoup de promo… Le regard sur le rugby féminin était en train de changer. Nous étions toutes excitées et pressées de jouer », se souvient Safi dont la première sélection était deux ans plus tôt face à l’Ecosse.

Au retour des vestiaires, la France marque à nouveau, d’abord par Elodie Portaries puis par Shannon Izar avant que l’Irlande n’aplatisse pour la première fois à l’heure de jeu grâce à Gillian Bourke. Malgré un essai collectif du XV du trèfle à la 72e, les Bleus remportent le match 19-15.

Seules à savourer dans un stade vide

« C’était mon premier Grand Chelem et il reste gravé dans ma mémoire, comme celui de 2018 », assure Safi N’Diaye. « A la fin du match, nous sommes restées longtemps sur le terrain, très longtemps, à savourer ce moment entre nous. Nous ne voulions même pas rentrer nous doucher ! On voulait se parler, savourer. Il n’y avait plus personne et le stade était vide ! »

La néo-capitaine Gaëlle Mignot avait déjà montré ses talents de leader, motivant ses troupes pour aller au combat et ne rien lâcher, comme elle le fera pendant toute sa carrière.

Ce Grand Chelem, à quelques mois de la Coupe du Monde de Rugby, mettait la France sur orbite.

« Nous étions sur une bonne dynamique », concède Safi. « Cette victoire a resserré le groupe. Nous étions beaucoup à vivre notre première Coupe du Monde et on avait envie de continuer à gagner des titres, à vivre de belles émotions. On avait envie que ça ne s’arrête jamais. »

Cette génération, qui succédait aux pionnières qui avaient poussé pour que le rugby féminin soit enfin mis en valeur, a façonné le rugby français tel qu’on le connait aujourd’hui.

« Je joue aujourd’hui avec des filles qui ont commencé au rugby après 2014 et qui étaient justement dans les stades en 2014. Elles me disent : ‘je vous ai vu faire le Grand Chelem !’ Ça me fait rire. On n’a pas vu les années passer, on a du mal à réaliser. Mais je suis fière qu’avec ce groupe on ait pu faire rêver des petites », dit Safi N’Diaye.

Ce Grand Chelem 2014 aura été un marqueur dans l’histoire du rugby féminin tricolore.

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