Le vol FJ 1910 a atterri à l'aéroport international de Nadi mercredi soir, heure locale, après que la campagne olympique historique des Fidjiennes s'est terminée en beauté.

Les médaillées de bronze de Tokyo 2020 avaient été surclassées en classe affaires pour la dernière partie de leur voyage depuis Sydney. Les images partagées sur les réseaux sociaux ont montré les joueuses en train de déguster un gâteau de fête et poser pour des photos avec un personnel de cabine ravi.

Rusila Nagasau, qui a participé à la cérémonie de clôture des Jeux dimanche 8 août, et ses coéquipières doivent maintenant passer deux semaines en quarantaine avant de retrouver leurs amis et leur famille qu’elles n'ont pas vus depuis le mois d’avril.

Les joueuses n’ont pas tardé à penser que leur succès au Japon pourrait avoir un impact retentissant pour le sport féminin aux Fidji.

Il y a cinq ans, à la suite du parcours de l'équipe jusqu'aux quarts de finale du tournoi olympique à Rio 2016, le pays a connu une augmentation du nombre de femmes et de filles qui voulaient elles aussi jouer au rugby à sept.

Et cette fois, après être devenues les premières femmes à remporter une médaille olympique pour les Fidji, tout porte à croire que les exploits de l'équipe à Tokyo pourraient avoir un impact encore plus grand. 

« Tout de suite après la médaille de bronze, j'ai reçu des centaines d'appels de filles, aussi bien des Fidji que de l’étranger, qui voulaient rejoindre les Fijiana », a raconté l'entraîneur Saiasi Fuli à Radio Nouvelle-Zélande la semaine dernière.

« C'est l'impact positif de ce tournoi olympique et cela motive et encourage les jeunes filles des Fidji à se lancer dans le rugby à sept et à augmenter le nombre de joueuses aux Fidji. »

« C'est une histoire incroyable »

Le sentiment est partagé par Chris Cracknell, qui avait entraîné les Fidjiennes à Rio. « Le fait qu'elles soient récompensées et reconnues pour ce qu'elles ont accompli est fantastique », explique-t-il à World Rugby.

« Elles ont également reçu une prime pour être rentrées avec une médaille, ce qui montre bien à quel point les choses ont évolué par rapport à il y a quelques années, où elles n'auraient même pas obtenu ce genre de récompenses. 

« Cette histoire est une source d'inspiration, non seulement pour les enfants de l'île, mais aussi pour les filles du monde entier. Si vous vous penchez sur leur histoire et leur parcours, d'où elles viennent, ce qu'elles ont surmonté et pourquoi elles se dépassent tellement, alors vous verrez que c'est une histoire incroyable. »

La capitaine Nagasau, qui a commencé à jouer au rugby en 2007 après avoir été invitée à une séance d'entraînement par une amie, a déjà évoqué les « remarques » que elle et d’autres avaient essuyées pour avoir osé jouer à ce qui était alors considéré comme un sport de mecs.

Chris Cracknell s'était rendu aux Fidji dans le cadre de la nouvelle organisation qu’avait mis en place Ben Ryan avec l’équipe masculine. Chris avait alors accepté de travailler comme directeur du rugby pour les filles.

« Ma deuxième séance d'entraînement s’était déroulée à l'université parce qu'à ce moment-là, nous n'avions pas encore eu l'occasion de proposer aux filles de s’entraîner à temps plein », se souvient-il.

« Les filles ont été chahutées pendant toute la session d'une heure que nous avions organisée pour elles. A l'époque, je ne parlais pas couramment le fidjien, mais il ne fallait pas être un génie pour comprendre ce qui se disait !

« Mais ça a eu le mérite qu’elles puissent s’affirmer dans la mesure où elles ont utilisé cette expérience pour se stimuler. Elles ont voulu prouver aux gens qu'ils avaient tort, parce que tout le monde considérait les garçons comme le modèle à atteindre et les filles comme celles qui voulaient faire pareil. 

« Mais, en même temps, elles voulaient se distinguer et changer ainsi le regard sur les femmes et les sportives dans le pays. »

Les femmes gagnent en puissance aux Fidji

Les joueuses ont réussi à se faire remarquer à Rio avec une honorable huitième place, ce qui a entraîné une hausse de la participation au pays. Mais en 2019, l'équipe a commencé à éprouver des difficultés sur le World Rugby Sevens Series.

C'est alors que l'entraîneur actuel, Saiasi Fuli, est entré en fonction. Le Fidjien a ratissé large pour trouver de nouvelles joueuses tout en réintroduisant un certain nombre de mesures qui avaient été initialement mises en place lors de la préparation des Jeux olympiques précédents.

Le régime alimentaire, par exemple, a fait l'objet d'une attention particulière, et les glucides, le sucre et le lait ont été interdits – sauf une fois par semaine - tandis que l'utilisation des téléphones portables n'était autorisée que le week-end.

Les restrictions liées aux Covid-19 et la détérioration de la situation aux Fidji ont fait que l'équipe a dû s’isoler dans une bulle sanitaire au début du mois d'avril.

Fuli craignait que le manque de compétition nationale n'entrave les chances des Fidjiennes à Tokyo. Seules quatre équipes, dont deux composées de joueuses de l'équipe nationale à XV, avaient pu participer aux Fiji Rugby Super Sevens Series au début de l'année.

Cependant, un signe que l'équipe serait compétitive à Tokyo est apparu lors de l'Oceania Sevens à Townsville au mois de juin, où les Fidji ont battu l’Australie, les champions olympiques en titre, et ont talonné la Nouvelle-Zélande.

Pour plusieurs membres de l'équipe, le voyage en Australie était la première fois qu’elles prenaient l'avion. Mais, malgré les défis que représente un voyage international pendant une pandémie mondiale, l'équipe n'a montré aucun signe de faiblesse lorsque le tournoi olympique féminin de rugby à sept a débuté au Tokyo Stadium.

Les Fidji ont commencé par une courte défaite contre la France, future médaillée d'argent, avant de s'affirmer en battant le Canada, qui avait terminé troisième à Rio.

Reapi Ulunisau, ancienne joueuse de netball sans aucune expérience du World Series, a marqué quatre essais, un record olympique, lors de la victoire sur le Brésil 41-5, avant que l'Australie ne soit à nouveau battue, cette fois en quart de finale.

Ulunisau a également marqué en demi-finale contre la Nouvelle-Zélande, mais les Black Ferns Sevens ont réussi à s'imposer en prolongation, sur le golden score. 

Il ne restait alors plus qu’à battre la Grande-Bretagne avant de décrocher une médaille. « En 2016, nous avions perdu contre la Grande-Bretagne en quart de finale et cela nous avait fait très mal », a confié Viniana Riwai, l'une des cinq survivantes de Rio, au Fiji Sun. 

« Je me suis dit que j'irai à Tokyo et que je vengerai cette défaite. » Deux essais d'Alowesi Nakoci ont contribué à la victoire, à conjurer le sort et à gagner une médaille.

« C'est une réussite énorme, énorme. Les efforts déployés par nos filles. C'était un voyage difficile, difficile », a déclaré Saiasi Fuli après le match pour la médaille de bronze. 

« Nous devons essayer de promouvoir le rugby à sept pour assurer l’avenir, développer ce sport pour que plus de filles fassent du rugby leur sport de prédilection aux Fidji. 

« C'est ce qui va pousser les jeunes filles des Fidji à jouer au rugby. C'est le message que j'envoie aux filles - nous sommes ici pour encourager, responsabiliser et promouvoir le rugby auprès des filles aux Fidji. »

Le rugby ne pouvait pas souhaiter de meilleurs ambassadeurs que ces fantastiques Fidjiennes.

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