Sally Dennis a eu le temps de s'habituer à l'idée de devenir la première femme présidente du conseil d'administration de Rugby Canada, mais elle avoue avoir été un brin bouleversée lorsque la nouvelle a été annoncée.

Sally Dennis avait d'abord été approchée pour assumer le rôle deux ans auparavant. Dans un coin de sa tête, cette opportunité devenait une possibilité. Et puis la confirmation de sa nomination est intervenue en mai 2021.

Elle a alors tout de suite pensé à son père, aujourd’hui décédé. C’est lui qui avait insufflé à Sally la passion pour le rugby lorsqu’elle vivait, toute petite, à Bridgend, dans le sud du Pays de Galles.

« Mes premières pensées ont été à beaucoup de gens qui ne sont plus là mais qui auraient été fiers de voir que j’en étais arrivée là, que ce soit mon père ou d’autres personnes », confie-t-elle à World Rugby.

« Mon père était un grand fan de rugby. C'est drôle, parce qu’il a eu une grande influence sur moi et c’est la raison pour laquelle j’en suis là aujourd’hui, car en grandissant, il pensait qu'il n'y avait pas de place dans le rugby pour les femmes, il ne me laissait jamais aller voir des matchs et des trucs comme ça ; il désapprouvait tout le temps.

« Par conséquent, je n'ai pas joué avant de quitter le Pays de Galles et de venir au Canada. Et l'une des premières choses que j'ai faites a été de m'inscrire dans une équipe et de jouer, juste pour pouvoir téléphoner à mon père et lui dire : ‘Ecoute, papa, je peux jouer au rugby maintenant’.

« Son point de vue a évolué au fil du temps, mais c'était vraiment un gars conservateur du genre ‘le rugby est un sport de mecs’. Je pense qu'il serait ravi de voir ce qui s'est passé.

« Une critique de canapé »

La carrière de joueuse de Sally Dennis n'a duré qu'une saison, au cours de laquelle elle a joué pour l'Université de la Colombie-Britannique au poste de talonneur, dès lors qu’elle a déménagé au Canada pour poursuivre ses études de droit.

Bien qu'elle ait été une grande fan du rugby à la maison, Sally Dennis a découvert que ce n’était finalement pas tellement un sport où elle pouvait exceller.

« Je jouais pas super, mais au moins j’ai essayé. J’ai vraiment essayé », rigole-t-elle. « J'ai découvert que ma connaissance encyclopédique du rugby, les règles du rugby et le fait d'être une critique de canapé ne se traduisaient pas très bien sur le terrain. Je savais tout, mais en théorie uniquement ! »

Cependant, bien que ses performances sur le terrain n'aient pas été aussi réussies qu'espéré, Sally est tombée amoureuse du Canada et à la fin de ses études, elle a pris la décision d’y rester, malgré un emploi à Londres.

Le rugby a constitué une partie importante de sa vie. Mère de famille en Amérique du Nord, ses trois enfants ont voulu à leur tour « tenter le coup » à l’école.

Sally a été nommée au conseil d'administration de Rugby Canada en 2017, d’abord en tant que directrice générale. Elle reconnaît aujourd’hui que les quatre dernières années n’ont pas été de tout repos. Pour autant, elle espère que la fédération se trouve maintenant dans une position où elle peut recommencer à se projeter dans l’avenir.

« Il s'est passé beaucoup de choses, tout cela fait partie du développement du rugby au Canada », dit-elle, sobrement.

« Je pense que nous en sommes arrivés à envisager l’avenir plus sereinement et à être un peu plus stratégiques. Nous sommes financièrement plus stables que nous ne l'étions, nous avons beaucoup de très bonnes politiques, beaucoup de travail. On dira qu’on est passé à autre chose…

« Il y a encore énormément à faire évidemment, mais j'ai hâte de pouvoir maintenant regarder vers l'avenir, planifier et être plus stratégique au lieu d’être constamment dans la réaction.

« Parce qu'à court terme, nous avons d'énormes défis à relever. Nous devons reprendre le rugby et cela va poser des problèmes d’un point de vue financier et d’un point de vue humain aussi dans tout le pays. »

L’opportunité olympique

Bien qu'elle admette qu'être la première femme présidente de la fédération apporte son propre lot de pression, Sally Dennis tient également à minimiser l'importance de cette étape importante.

Son prédécesseur Tim Powers a été un « mentor incroyable » au cours des premières semaines de Sally à ce poste. D’ailleurs, elle a reçu énormément de soutien de la part de toutes les composantes de la fédération dans le pays.

« Je considère cette nomination comme une avancée naturelle dans la vie de l'organisation et de la façon dont notre gouvernance s’est modernisée », précise-t-elle.

Sa nomination au conseil d'administration de Rugby Canada en 2017 avait déjà fait le pari de ses compétences. « L’appréhension de certains étaient de dire que je n’étais pas issue du sérail car je n’étais pas une ancienne joueuse d’élite et que je n’étais pas née dans le rugby », se rappelle-t-elle.

« Mais je suis très impliquée, à défaut d’être profondément ancrée. Et selon moi, l’avantage est peut-être d’être plus objective et plus indépendante. »

Sally Dennis tient à maintenir le rugby au Canada sur une trajectoire ascendante et a hâte de suivre les équipes masculine et féminine de rugby à sept aux Jeux olympiques de Tokyo fin juillet.

Elle est convaincue que les deux équipes peuvent se rendre au Japon et gagner. Elle est également consciente de l'opportunité que les Jeux offrent avec la diffusion en direct des tournois de rugby à sept dans des millions de foyers à la télévision canadienne.

« Lorsque nous gagnons à Tokyo, c'est tout le rugby qui en profite », assure la nouvelle présidente. Nous espérons que ce sera un tremplin, que ça nous permettra de nous relancer, de nous réengager, de maintenir nos effectifs et de faire grandir le rugby.

« Nous n’avons pas souvent la chance d’avoir une forte couverture médiatique, donc nous comptons bien en tirer le meilleur parti ! »

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