Beth Dickens était en train de lire à son fils une histoire à l'heure du coucher « sur des souris cachées dans des chapeaux » lorsqu'elle a reçu un courriel qui allait la faire entrer dans l’histoire.

Ancienne pilier de l’Ecosse à plus de cinquante sélections, elle avait déjà intégré le panel des commissaires à la citation depuis qu’un collègue l’y avait entraînée il y a cinq ans.

Et vendredi 21 mai 2021, elle s’est assise dans son bureau, chez elle, pour ne rien manquer de la finale de l'European Rugby Challenge Cup remportée par Montpellier à Twickenham face aux Leicester Tigers, 18-17.

Ce faisant, Beth Dickens est ainsi devenue la première femme à travailler en tant que commissaire à la citation sur une finale européenne.

« C'est tout simplement incroyable », a-t-elle confié à World Rugby. « C'est très difficile à décrire, mais ça vous donne un sérieux coup de boost. C'est un honneur d'être invitée à faire quelque chose comme ça et de pouvoir dire oui, de se dire qu’on en fait partie. »

Un peu plus de pression

Beth Dickens a eu quelques semaines pour se préparer au plus grand match de sa carrière, dont l'ampleur l'a mise à l'honneur. « Cela ajoute certainement un peu de pression », admet-elle.

« La plupart du temps, lorsque vous citez à comparaître, personne ne sait vraiment qui vous êtes, comment vous vous appelez, ce que vous avez fait avant, et vous passez dans une certaine mesure sous les radars. Mais là, apparemment, ce n’était pas le cas !

« Si quelque chose devait arriver, tout le monde savait vers qui se tourner et oui, évidemment, cela a ajouté un peu plus de pression à la situation. »

En raison des restrictions liées au Covid-19, Beth Dickens n’a pas pu se trouver physiquement à Twickenham et a dû se contenter de regarder le match à la télévision, sur son ordinateur et sa tablette qui étaient autant d’écrans supplémentaires pour évaluer les actions litigieuses en temps réel.

C'est un processus différent de celui auquel elle était habituée avant la pandémie, mais qu’elle a apprécié dans le sens où ça lui a permis de voir « les images agrandies » qui sont habituellement diffusées aux fans.

Une fois le coup de sifflet final donné à Twickenham, Beth Dickens a regardé à nouveau le match complet au moins une fois de plus, puis a fait une revue complète de tous les incidents potentiels importants, l’obligeant à revoir chacun d’eux au moins 50 fois avant d’éventuellement procéder à une citation officielle.

« Pendant le match, je prenais des notes sur de nombreux incidents qui se sont produits », explique-t-elle. « La plupart d’entre eux, on peut simplement les regarder une ou deux fois de plus et se dire que bon, finalement, ce n’est rien. Pour certains, c’est très facile à évaluer.

« Mais, lorsqu’une action est susceptible d’entraîner une citation, que ce soit juste au-dessus ou juste en dessous, il faut que je la visionne des dizaines de fois. Ça peut aller parfois à 40 ou 50 fois, sous différents angles et à des vitesses différentes pour être parfaitement sûre que tout est clair sur ce qui s'est passé, dans quel ordre ça s’est produit, à quel niveau de force et tous les autres paramètres.

« Et puis, évidemment, si ça mérite d’aller plus loin ou que j'ai besoin d'un peu plus de preuves, alors j’en parle aux joueurs, aux managers ou à l'équipe médicale également, pour recueillir des éléments supplémentaires dans le but de plaider ou non. »

Une attirance pour les règles

Beth Dickens raconte qu'elle s'est toujours intéressée au côté disciplinaire du rugby et que connaître les règles du rugby faisait « partie de qui j'étais en tant que joueuse ».

Mais, dit-elle encore, l'expérience et le savoir-faire qu'elle a acquis pendant plus de six ans dans la première-ligne de l'Écosse se sont avérés inestimables dans sa vocation actuelle.

« L'expérience du rugby, la connaissance du rugby, c’est quelque chose d’absolument vital », assure-t-elle.

« Être impliquée à un tel niveau pendant si longtemps – à un point que ça faisait partie intégrante de ma vie – permet de comprendre comment les joueurs raisonnent et ce qu'ils pourraient penser en entrant dans une situation de contact. Ça vous aide vraiment à voir les choses de leur point de vue. Je pense que c’est vraiment important lorsque vous êtes amené à juger certaines des actions qu’ils ont commises.

« Mais aussi, je pense que ça aide aussi de comprendre comment ils se sentent sur le terrain pour les grands match, dans quel état d’esprit ils sont. Vous avez été déjà à leur place, vous avez déjà ressenti ce qu’ils ressentent et je pense que cela vous permet simplement d'avoir de l'empathie pour eux d'une certaine manière.

« A la fin, seuls les faits qui vous sont présentés doivent être jugés et vous devez avoir une certaine expérience pour être en mesure de déterminer pleinement quels sont ces faits. Ce n’est jamais complètement blanc ou complètement noir. »

Beth Dickens a représenté l'Écosse à la Coupe du Monde de Rugby 2010 en tant que joueuse et a été membre du panel des commissaires du tournoi en Irlande en 2017.

Elle espère être de nouveau impliquée lors de la RWC 2021 en Nouvelle-Zélande l'année prochaine et a des projets ambitieux au-delà.

« L’objectif à court terme doit être la Coupe du Monde de Rugby féminin l’année prochaine. Je serai complètement ouverte et disponible, j'aimerais être là à un titre ou à un autre », espère-t-elle.

« Revivre une nouvelle Coupe du Monde de Rugby féminin serait génial. J'adorerais aussi aller à une Coupe du Monde masculine, mais nous verrons si c'est possible ou non à l'avenir. Il faut avoir des ambitions. »

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