La vie de l’ancien rugbyman professionnel Ed Jackson a changé pour toujours le jour où il a plongé dans la partie peu profonde d’une piscine et a subi de graves lésions de la moelle épinière. C’était en avril 2017.

Les spécialistes l’avaient alors prévenu qu'il ne pourrait plus jamais marcher, sans parler de continuer à jouer au rugby pour gagner sa vie.

Aujourd'hui, Ed est devenu un aventurier, le fondateur d’une association caritative, mais aussi producteur, conférencier, auteur, ambassadeur de marque et mentor, animé par le seul désir d'encourager les autres à ne jamais laisser l'adversité les empêcher d'atteindre leurs objectifs, ne jamais baisser les bras.

Ed Jackson était numéro huit pour son club natal de Bath, puis avec Doncaster, les London Welsh, les Wasps and les Dragons. Optimiste né, il reconnaît néanmoins avoir vécu des moments de doute lorsqu’il a fallu affronter la réalité médicale pour regagner son indépendance.

Des heures sombres

Les nuits étaient les pires, alors qu'il était prostré dans son lit d'hôpital, observant chaque faits et gestes qu'il tenait autrefois pour acquis lorsqu’il était un jeune homme en bonne santé et athlétique. Mais désormais, il était incapable de les reproduire.

« Ce n'est pas surprenant quand vous avez un coup dur comme celui-là qui change votre vie », a-t-il expliqué à un journaliste de Channel 4. « Il y a beaucoup de doutes et on vous explique que vous n'allez plus jamais marcher, que vous n’allez pas vous en remettre.

« J’ai toujours été une personne relativement positive, même avant l’accident, et je dois reconnaître que j’ai aussi souffert de graves problèmes mentaux. J'ai vécu des épisodes dépressifs et je comprends ce sentiment de vouloir tout arrêter d’un seul coup.

« Lorsque vous êtes seul la nuit avec vos pensées, votre cerveau emprunte naturellement ces chemins. J'ai eu de la chance de pouvoir m'en sortir et d'autres personnes m'ont aidé à m'en sortir. J’éprouve beaucoup de respect envers ceux et celles qui doivent faire face à ça tous les jours. Je sais combien il est facile, même pour une personne positive, de se retrouver dans une spirale comme ça. Je suis passé par là.

« Une partie de ma réadaptation consistait à ne pas me sentir coupable de ressentir ça. En tant que joueur de rugby, vous êtes conditionné pour ne montrer aucune faiblesse. Et lorsque vous êtes un jeune mec qui se sent faible et vulnérable, vous vous bagarrez contre vous-mêmes lorsque vous vous sentez comme ça. Mais il s’agissait de comprendre que c'était tout à fait normal de se sentir comme ça, d'avoir l'impression que la vie joue parfois un mauvais tour.

« Je suis devenu plus émotif depuis mon accident parce que je me suis permis de l’être. J'ai des hauts plus hauts et probablement des bas plus bas, mais je n'ai pas plus de bas que ça. Je peux les relativiser plus rapidement et j'ai développé des outils pour m’en sortir vite parce que j’ai un nouveau regard sur ce qui m’entoure. »

Une figure inspirante

Faisant preuve de courage et de détermination – et pouvant compter à la fois sur des gens qui l’ont soutenu et sur une rééducation importante – Ed Jackson a refusé de laisser sa situation prendre le dessus.

Après que sa carrière de dix ans comme joueur a brusquement pris fin, il a découvert un nouveau but dans sa vie : aider les autres, grâce à des collectes de fonds et en tant que figure inspirante qui repousse sans cesse les limites.

En l'espace d'un an, Ed Jackson est passé de faibles mouvements dans ses orteils à pousser son corps jusqu’à ses limites. Il a escaladé des montagnes, au sens figuré au début, puis de vraies montagnes, y compris le mont Everest, malgré les difficultés qu'il doit encore surmonter.

Même le coronavirus ne l’a pas arrêté. Il s’est entraîné sur les 16 marches de l’escalier de ses parents à Bath pour gravir la distance équivalente à celle qu'il faudrait pour escalader le monument himalayen pendant le déconfinement - un total de 2 783 aller-retours.

Désormais, en tant que co-fondateur de l'organisation caritative Millimeters to Mountains avec sa femme Lois et l'ex-international anglais Olly Barkley, Jackson permet à huit personnes dûment sélectionnées et traversant des moments difficiles de vivre la même exaltation qu'il a vécue en repoussant ses limites.

Les expéditions dans les terres désertiques islandaises, en passant par l'ascension d'un volcan actif, au Népal et dans les Alpes sont déjà à l’agenda d’une année 2021 qui s’annonce plus que chargée, si le Covid le permet.

« Pour moi, se retrouver à l'extérieur, dans les montagnes, réaliser des choses, me mettre au défi et collecter des fonds pour des œuvres caritatives et inspirer d'autres personnes, est un excellent moyen de retrouver un but », explique le jeune homme de 32 ans.

« Au lieu de collecter des fonds pour les gens chez moi, j'ai pensé que le vrai pouvoir était en fait de faire les voyages. Et c'est pour cela que j'ai mis en place Millimeters to Mountains - pour aider les personnes qui vivent des situations délicates dans la vie, qui sont aux prises avec leur santé mentale et qui cherchent une voie à suivre, de leur donner les mêmes opportunités que j'ai eues pour voir s’ils peuvent avoir les mêmes récompenses. »

UN CHANGEMENT DE VIE

En plus des expéditions, Millimeters to Mountains espère apporter un changement positif chez les personnes impliquées grâce à un soutien continu.

« J’aime le fait que je n’étais pas le seul à escalader des montagnes, que je ne suis pas le seul qui m’a aidé à m’en sortir. C’est grâce à mon entourage, à ma famille, à mes amis et à RESTART (l'association caritative de l'Association des joueurs de rugby). Ce sont toutes ces personnes qui m’ont permis de me remettre sur pied », dit-il.

Millimeters to Mountains compte sur la générosité et les dons pour financer ses projets.

« Emmener quelqu'un au Népal coûte 6 000 £ et ensuite vous avez le programme d’accompagnement. Au total, il faut compter 10 000£ par bénéficiaire s'il suit le programme complet », explique Ed Jackson.

En plus des expéditions et du programme d’accompagnement, Millimeters to Mountains soutient la Neverest Foundation, qui a été créée pour apporter de meilleurs soins orthopédiques dans les villes népalaises de Katmandou et Chitwan.

« Ils font un super travail pour collecter des fonds pour construire de nouveaux quartiers et de nouveaux équipements parce que c'est le truc glamour dans lequel les entreprises veulent s'impliquer, en ayant leur nom bien mis en valeur et ce genre de choses. Mais ils doivent trouver de l'argent pour des choses comme les frais de blanchisserie et de chauffage, les choses moins glamour mais qui permettent à la Fondation de fonctionner d'année en année, et nous allons les aider sur ce terrain-là. »

Des petits pas

Ed Jackson a atteint ses objectifs à plusieurs reprises et continue de le faire, avec son prochain objectif : devenir le premier tétraplégique à gravir le Mont Blanc, la plus haute montagne des Alpes.

« En tant que tétraplégique en rééducation, je suis un exemple vivant du fait que, même si cela semble impossible, vous pouvez réussir. Je suis tellement excité de voir ce qui peut être réalisé.

« J'ai interviewé Billy Monger la semaine dernière, le pilote de course. Il relève pas mal de défis lui aussi, mais franchement, les sommets, lorsque vous perdez la capacité de prendre soin de vous, viennent du quotidien.

« Pour lui, préparer son propre petit-déjeuner et monter dans une voiture avec commandes manuelles, c’est ce qui le rend heureux. Pour moi, c’est pouvoir me nourrir, alors qu’avant il en aurait fallu beaucoup plus pour me rendre heureux.

« Mon échelle du bonheur est beaucoup plus modeste. Tous ces trucs quotidiens que je n'avais jamais vraiment remarqués auparavant, maintenant je les fais. »

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