Erika Morri rêve de lancer une nouvelle génération de joueurs de rugby en Italie, en mettant en valeur l'impact que le sport peut avoir sur la vie des jeunes.

L'ancienne joueuse a représenté son pays sur deux Coupes du Monde de Rugby et siège actuellement au conseil d'administration de la Federazione Italiana Rugby (FIR). Par son engagement, elle espère pouvoir aider à convaincre autant d'écoles que possible de proposer le rugby comme option aux élèves.

Elle a placé au cœur de sa mission la conviction que le rugby est un outil utile pour lutter contre l'intimidation et le harcèlement scolaire, en donnant aux enfants les clés sociales et émotionnelles dont ils ont besoin pour se développer sur et en dehors du terrain.

Avant l'épidémie de Covid-19, Erika Morri avait conçu une campagne de lutte contre le harcèlement scolaire qui associait ses deux passions, l'art et le rugby, et qui devait sensibiliser 12 000 petits Italiens.

« Au Royaume-Uni, vous avez le rugby à l'école, tout le monde joue au rugby », constate Erika Morri qui souhaite être réélue au conseil d'administration de la FIR samedi. « Jouer au rugby à l'école, c'est normal pour la famille alors que pour nous c'est un vrai choix de l'école.

« J'ai pensé à cette campagne parce que je voulais faire évoluer les choses. Le rugby n'est pas qu'un sport et c'est le message que je souhaitais faire passer dans les écoles pour leur faire comprendre qu'il s'agit d'un véritable outil pour la socialisation.

« J'y suis parvenue. Le rugby n'est plus considéré juste comme un sport. C'est une culture du sport qui apprend aux enfants à avoir des relations positives les uns avec les autres. »

Dans un monde macho

La relation d'Erika Morri avec le rugby a commencé à l'âge de six ans, lorsqu'elle a compris pourquoi, un beau jour, son père était revenu à la maison avec deux yeux au beurre noir. La relation entre son père et ses coéquipiers était telle qu'Erika a grandi entourée de ces oncles de substitution, et ce sentiment d'appartenir à une communauté est quelque chose qui est resté important pour elle tout au long de sa vie.

C’est toutefois par l’intermédiaire des Guides qu’elle a été mise en contact pour la première fois avec une équipe féminine de sa ville natale, Bologne. À ce moment-là, Erika s'entraînait cinq fois par semaine dans un club d'athlétisme local, et sa vitesse et sa forme physique lui ont assuré un succès presque instantané.

Elle était encore à deux semaines de son 20e anniversaire lorsqu'elle a été alignée pour l'Italie lors de la première Coupe du Monde de Rugby féminin au Pays de Galles en 1991.

« Ceux qui n'ont jamais chanté les hymnes ne peuvent pas savoir ce qu'on a ressenti parce qu'en Italie, c'est passé complètement inaperçu », se souvient-elle.

« Je suis considérée comme un dinosaure du rugby féminin en Italie. À cette époque, nous n'étions absolument personne. Nous avons juste joué pour nous-mêmes et pour les gens qui savaient à quel point c'était difficile de jouer au rugby à ce moment-là. »

Arrivée à la quarantaine, Erika a continué à jouer et a participé à une deuxième Coupe du Monde de Rugby, 11 ans après la première, à Barcelone. Mais ce n'est qu'après avoir raccroché ses crampons qu'elle a pensé entrer dans l'administration. En fin de compte, elle a suivi cette voie pour s'assurer qu'il y aurait au moins une femme dans la pièce où les décisions seraient prises.

« À ce moment-là, j'ai compris que si certaines d'entre nous n'entraient pas dans la salle des commandes, on ne pourrait pas développer le rugby féminin comme on développe le rugby pour les hommes », assure-t-elle.

« C'est non seulement important que les femmes siègent dans les instances de décision, mais aussi que personne ne perde de vue le rugby féminin. Les deux peuvent poursuivre une même trajectoire positive car chacun va dans la même direction. Il faut avoir ça en tête alors que 99,9% des présidents de club sont des hommes.

« Nous ne pouvons donc pas attendre que les femmes deviennent présidentes. Nous devons juste convaincre que c'est la force du club d'être unis, comme dans la vraie vie, peu importe le genre. C'est précisément l’objectif de mon groupe de travail, de travailler sur le marketing pour faire comprendre aux clubs à quel point il est important d’avoir une équipe féminine.

« Il faut faire le premier pas et faire prendre conscience aux joueurs de rugby de l'importance d'être une communauté et pas seulement un club masculin. »

CRÉATIVE ET COURAGEUSE

Erika Morri admet que ses quatre premières années au conseil d'administration de la FIR ont été « vraiment difficiles », mais elle fourmille de projets ambitieux pour les quatre prochaines, si elle est réélue.

Une idée parmi d'autres pour attirer des jeunes joueurs est de s'associer aux sports d'été pour offrir aux enfants la chance de jouer au rugby lorsqu'ils ne pratiquent pas d'autres sports, comme le volleyball par exemple.

Au niveau élite, Erika Morri souhaite également s'appuyer sur des résultats encourageants dans le Six Nations féminin - l'Italie a terminé deuxième en 2019 - et aider l'équipe à devenir semi-professionnelle d'ici 2025.

« J'ai un esprit créatif, alors j'essaie de tirer le meilleur parti de ce que je trouve dans mon milieu, de réfléchir à la façon dont nous pouvons simplement changer et faire des choses différemment », dit-elle. « Parce que si vous faites toujours la même chose, vous aurez toujours le même résultat.

« Il faut avoir le courage de changer d’itinéraire, d'essayer autre chose et de s'entourer de gens qui vous suivent dans cette nouvelle direction. C'est pour cela que j'espère vraiment que cette élection va réussir parce que j'ai un groupe fort derrière moi qui me pousse . Eux aussi croient aux choses innovantes. »

LIRE AUSSI >>> CES 6 PIONNIÈRES QUI ONT PROPAGÉ LE RUGBY DANS LE MONDE