Alhambra Nievas, responsable du développement des arbitres à World Rugby, ne cesse de s'émerveiller de voir les barrières entre les sexes s'effondrer au fil des ans. Elle-même sorte de pionnière en la matière, elle a été la première personne à arbitrer une finale olympique de rugby à sept. Elle est très fière des progrès réalisés par la génération actuelle d'arbitres et d'arbitres assistants qui est en train de changer le cours de l'histoire.

Au cours des trois ans et demi qui se sont écoulés depuis que l'officielle de match espagnole est devenue la première femme à arbitrer un test masculin en Europe – un Finlande v Norvège en octobre 2017 - les femmes officielles de match ont à chaque fois franchi des paliers.

Cette semaine par exemple, il a été annoncé que Hollie Davidson, première arbitre à plein temps en Écosse, ferait ses débuts comme arbitre sur le Guinness PRO14 pour le match Glasgow contre Trévise.

« Je pense que nous avons vu une grande différence au cours de la dernière année. Je pense que nous avons plus d'arbitres femmes professionnels à plein temps maintenant que ce n'était le cas dans le passé. Et le plus important est que nous voyons de plus en plus d’arbitres impliqués non seulement dans le rugby féminin, mais aussi dans les compétitions masculines de haut niveau », constate Alhambra Nievas, 37 ans, jointe par World Rugby à son domicile à Grenade.

« Prenez par exemple Amy Perrett. Elle a disputé un match de Super Rugby en Australie et Aimee Barrett-Theron, d'Afrique du Sud, a fait de même en décembre dernier. Ce sont deux exemples symboliques de la façon dont les femmes arbitres saisissent les opportunités aujourd'hui et montrent la voie, prouvent que la carrière d'arbitre est une question de travail, de compétences et d'engagement, et certainement pas de genre.

« Espérons que ces occasions continuent de se présenter pour la nouvelle génération. Nous avons désormais de vrais modèles positifs avec Amy et Aimee, mais aussi avec Joy Neville en Irlande, qui a été la première à faire beaucoup de choses en Europe, comme arbitrer sur l'ECPR et être arbitre vidéo pour les tests masculins et féminins.

« Nous avons aussi Sara Cox en Angleterre et Hollie Davidson en Écosse qui ont été convoquées comme arbitre sur la European Challenge Cup. Et maintenant, c'est formidable de voir Hollie faire un autre pas en avant ce week-end. »

Une progression transversale

Une autre source d'encouragement pour Alhambra Nievas est la voie désormais identifiable qui aide les joueuses à assurer une transition vers l'arbitrage.

Selica Winiata, par exemple, a fait ses débuts en tant qu'arbitre en décembre 2019 et est en lice pour officier aux Jeux olympiques avant d'espérer gagner une place dans l'équipe des Black Ferns pour la Coupe du Monde de Rugby 2021.

« Nous voyons de plus en plus de joueuses de haut niveau, lorsqu'elles décident d'arrêter de jouer, se tourner vers l'arbitrage », remarque Alhambra Nievas.

« Selica Winiata, de Nouvelle-Zélande, et Julianne Zussman, du Canada, sont deux exemples parmi d'autres. Elles ont participé à des Coupes du Monde de Rugby, aussi récemment qu'en 2017, donc cela montre à quelle vitesse vous pouvez passer au plus haut niveau. »

Autrefois joueuse de haut niveau elle-même, Alhambra a connu une belle carrière d'arbitre avant de raccrocher son sifflet après la Coupe du Monde de Rugby à sept 2018 à San Francisco.

Lauréate du prix de Arbitre World Rugby de l'Année en 2016, elle a collectionné les souvenirs, notamment sur le retour du rugby dans le giron olympique après 92 ans d'absence.

« Pour être tout à fait honnête, être aux Jeux olympiques était comme un rêve pour moi parce que depuis que je suis toute petite, j'aime le sport et je pratique beaucoup de sports différents. Et chaque fois que les Jeux olympiques d'été étaient organisés, je passais des heures à regarder la télévision à rêver d'y être », sourit-elle.

« Bien sûr, enfant je rêvais d'y être en tant que sportive et pas en tant qu'officielle de match, mais y être quand même, quoique avec une perspective différente, a été une expérience incroyable. Lorsque nous sommes descendus de l’avion, nous avons fait la queue pour passer le contrôle des passeports et de l’immigration et nous avons vu des joueurs de l’équipe américaine de basket-ball, et nous nous sommes dit :« Wow, nous y sommes et c'est bien réel. »

Une position privilégiée

Les performances d'Alhambra Nievas dans le tournoi lui ont valu le droit de prendre en charge le match pour la médaille d’or, une victoire 24-17 de l’Australie contre la Nouvelle-Zélande.

« Ce fut un privilège (d'être retenue pour arbitrer la finale olympique, ndlr), j'étais vraiment émue quand ils ont annoncé que j'étais l'arbitre de la finale. Je ne dirai pas que j’étais nerveuse car j’ai eu plusieurs occasions d’arbitrer en finale du World Series. Au contraire je pense que ça m'a aidée à rester calme et confiante. Mais évidemment, c'était un sentiment spécial, une excitation, que j'allais arbitrer une finale olympique.

« L'ambiance était super. J'avais des amis dans les gradins et je sais que ma famille regardait depuis chez moi. Avec le décalage horaire entre le Brésil et l'Espagne, c'était en fait le jour de mon anniversaire en Espagne lorsque la finale a débuté, et ma famille m'a envoyé une belle vidéo avec leurs meilleurs vœux pour moi. »

Alhambra Nievas travaille maintenant pour s'assurer que les officiels sélectionnés pour Tokyo soient également aussi bien, voire mieux préparés, qu'ils ne l'étaient à Rio.

« Les Jeux olympiques ont été un grand succès pour le rugby, pour notre sport », rappelle-t-elle. « Nous allons voir les meilleurs joueurs du monde dans deux grandes compétitions, et c’est très excitant.

« Du point de vue des arbitres, nous essayons de faire de notre mieux, dans les circonstances difficiles qui nous sont imposées, pour maximiser toutes les opportunités afin que nos arbitres soient aussi prêts que possible pour ce grand moment.

« Nous plaçons beaucoup de confiance dans notre équipe et nous veillerons à jouer notre rôle pour garantir le succès des deux compétitions. Avec Tokyo en juillet puis la Coupe du Monde de Rugby en Nouvelle-Zélande, ce sera une année énorme ! »

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