Pour souffler un peu, Donatienne Rasoampamonjy se cale un instant contre le mur vert du vestiaire, à l'ombre, alors que le soleil de l'été cogne sur ce coin perdu de Madagascar. A Ambositra, son village natal, dans la région d'Amoron'i Mania au centre de l'île, la jeune fille de 29 ans a ouvert une école de rugby depuis 2017 et ce n'est que depuis l'année dernière que son club accueille une trentaine de joueurs. « On a quelques filles, surtout en U16, mais elles s'entraînent avec les garçons », remarque-t-elle, entre deux séances d'entraînement.

Donatienne n'a pas eu la chance de commencer le rugby si tôt. Elle n'a découvert ce sport qu'à 18 ans lorsque son prof d'EPS lui a en parlé. « Depuis mon enfance, j'avais une morphologie très grande, j'étais toujours plus grande que les filles de mon âge », raconte-t-elle. Pendant trois années, elle pratique trois activités sportives : le basket, le foot et le rugby avant d'arrêter les deux premières. « En fait, je me sentais plus à l'aise avec le rugby, c'est le sport qui me convenait le mieux. Les valeurs me correspondaient mieux aussi : la solidarité, l'intégrité... Le rugby m'a plus éduquée que les autres sports », assure-t-elle.

Ses leçons de vie grâce au rugby

Si elle a commencé à jouer à 7, c'est vers le XV que rapidement elle s'est tournée. Son premier tournoi tombe alors le jour de son anniversaire et la marque à jamais.

Sa transition à l'université n'est pas des plus faciles. Issue d'un milieu modeste, elle se heurte à des problèmes financiers. Mais « Do » n'est pas du genre à abandonner et elle puise dans le rugby la force de tenir et d'avancer dans ses études de gestion. « Quand tu joues au rugby, tu affrontes des problèmes, mais à chaque fois tu dois trouver des solutions, tu cherches le soutien de ton coéquipier, tu tombes, tu te relèves... Dans la vie c'est exactement pareil. Si je n'avais pas pratiqué le rugby, je n'aurais pas pu finir mes études », relève celle qui jouait alors pilier.

Un entraîneur national la remarque et la convainc de faire un stage d'entraîneur. Elle monte rapidement les échelons, passe son certificat de niveau 1, puis de niveau 2, s'investit pleinement dans le programme de World Rugby Get Into Rugby et toutes les autres formations qui peuvent lui permettre de grandir. En 2016, elle est la seule femme à participer à la formation World Rugby en Préparateur physique niveau 2.

« Je pense qu'il est important de connaître les règles, mais aussi les premiers soins quand un joueur se blesse », dit-elle.

Enseigner la pratique et les valeurs du rugby

Dans sa région, peu de filles jouent au rugby. D'ailleurs, peu de garçons aussi pratiquaient lorsqu'elle est revenue après ses études. Elle a eu la chance d'être embauchée dans un lycée en tant qu'éducatrice sportive où elle a pu commencer à enseigner le rugby.

« Ça a été assez difficile au début », admet-elle. « En général les gens pensent que c'est dangereux pour les filles. Alors, pour leur montrer que ce n'était pas le cas, nous avons organisé beaucoup de festivals, nous avons fait beaucoup de démonstrations rien que pour montrer qu'on pouvait jouer partout. En plus de la pratique, j'enseigne les valeurs, les droits et devoirs du joueur, la responsabilité de se protéger, de protéger son coéquipier mais aussi son adversaire. C'est grâce à ça qu'on a rencontré le succès. »

Toutes les occasions étaient bonnes pour prêcher cette bonne parole, comme pendant ses activités de scoutisme dans lesquelles elle est bénévole depuis tant d'années. Si bien qu'en 2017, l'école de rugby qu'elle a créée rassemblait 160 enfants.

Les années se suivent et les résultats s'enchaînent dans les tournois. « En 2017, on participe au championnat national scolaire et nous sommes champion de l'axe Sud de Madagascar et 3e en finale. En 2018, c'est le même résultat et nous accédons aussi à la troisième place du championnat de Madagascar U18 masculin que nous remportons l'année suivante », détaille-t-elle.

Pourquoi elle est « Inarrêtable »

Alors, ce n'est pas un hasard si Donatienne Rasoampamonjy est l'un des visages de la déclinaison par Rugby Afrique de la campagne « Try and Stop Us » initiée par World Rugby. Cette campagne vise à mettre en avant des femmes du rugby qui se sont particulièrement distinguées par leur volonté farouche à s'investir dans le monde du rugby. Et « Do » y a gagné une place légitime.

« Depuis 2015, c'est moi-même qui souhaite participer aux formations fédérales », insiste-t-elle. « Je paie mes frais, ma restauration, mon hébergement à chaque fois qu'il y a une formation. Souvent j'ai été obligée de faire 8h de route pour suivre certaines. Je partais le vendredi soir en taxi brousse pour commencer la formation à 8h du matin et le dimanche soir je repartais à 20h, j'arrivais chez moi à 4h du matin pour recommencer au lycée à 8h... »

Parce que ni la distance, ni la fatigue ne peuvent l'arrêter, le choix de la fédération malgache de rugby de mettre son parcours en valeur pour la campagne des « Inarrêtables » a été judicieux. « La pratique féminine m'intéresse beaucoup et je sens que j'ai des choses à apporter », dit-elle.

Par son engagement, elle souhaite que le rugby féminin se développe dans les 22 régions de Madagascar de sorte qu'un championnat national puisse se créer. « On peut tout faire s'il y a la passion », insiste-t-elle.

POUR ALLER PLUS LOIN >>> DÉCOUVREZ QUI SONT LES « INARRÊTABLES » D'AFRIQUE