Scott Robertson vient de mener les Crusaders à un quatrième titre consécutif en Nouvelle-Zélande. Ce trophée du premier Aotearoa vient s'ajouter aux trois précédents titres en Super Rugby.

Lorsqu'il a signé pour devenir entraîneur en 2017, l'équipe basée à Christchurch venait de passer neuf ans sans pouvoir mettre la main sur le trophée. Comment a-t-il pu transformer un groupe de joueurs talentueux en machine à gagner ?

Certes, ça a aidé que Scott Robertson connaisse bien les Crusaders de l'intérieur puisqu'il a joué avec eux pendant huit saisons avant d'aller entraîner Canterbury dans la Mitre Cup. Cependant, cet ancien troisième-ligne centre All Black qui compte 23 sélections a mis sa touche personnelle pour tirer le meilleur de ses joueurs.

Dans un podcast de Sky Sport, Will Greenwood, champion du monde en 2003 avec l'Angleterre, n'a pas tari d'éloges sur son co-entraîneur des Barbarians en 2018. « C'est un type, je vous jure, vous lui mettez entre les mains un groupe de piliers de comptoir, il en fait des champions du monde ! » disait-il.

Pousser les joueurs encore plus loin, même ceux qui sont aussi bon que le centre Jack Goodhue, c'est la raison d'être de celui qui a été membre du staff des Baby Blacks champions du monde en 2015. « Je veux que les joueurs deviennent des All Blacks. Mais pas de simples All Blacks : des All Blacks de légende », a répondu Robertson à Greenwood.

Passionné par le coaching

Ce surnom qu'il s'est attribué, Razor, vient plus de la perception aiguisée qu'il a des gens et des tactiques que de sa façon furieuse de plaquer quand il jouait. « En fait, j'ai toujours voulu entraîner », admet-il.

« Gordon Tietjens nous maltraitait ; c'était un entraîneur très dur, mais il m'a inculqué un très bon état d'esprit. J'ai toujours un carnet à la main, toujours des trucs à essayer ; ça m'a toujours passionné. J'ai toujours essayé d'être créatif dans la façon dont ont pouvait rassembler l'équipe hors du terrain pour se connecter. J'adore le rugby et plus je suis dans cet environnement, mieux je me sens. »

L'écriture n'a jamais été le point fort de ce dyslexique, mais il a toujours su faire passer ses messages, transformant le négatif en positif rien qu'avec les mots. Ça lui a permis de bien se faire comprendre de ses joueurs.

« On dit 'fait' et non 'ne fait pas' ; 'retiens-toi' plutôt que 't'es parti trop tôt' ; 'attrape tout ce qui passe' plutôt que 'ne lâche pas le ballon' ; 'garde les yeux ouverts' plutôt que 'ne baisse pas les yeux'. C'est un moyen très simple de faire passer vos messages. »

Tempête dans un cerveau

Scott Robertson attend toujours de ses équipes qu'elles s'adaptent et qu'elles s'améliorent, en s'inspirant de sa propre expérience lorsqu'il jouait en Irlande ou en France pour Perpignan, mais aussi de celle de ses pairs Gordon Tietjens, Robbie Deans, Wayne Smith et Steve Hansen.

Récemment, lui et Stuart Lancaster - ancien sélectionneur de l'Angleterre et actuel entraîneur du Leinster - ont partagé des idées sur l'attaque et la défense de l'autre via des appels sur Zoom. La discussion s'est portée sur la façon de préparer leurs équipes à jouer l'une contre l'autre, une ambition qui devrait s'avérer réelle avec les meilleures équipes de l'hémisphère nord contre les meilleures de l'hémisphère sud.

Une telle confiance est admirable et Scott Robertson est tout aussi généreux à cet égard lorsqu'il s'agit de l'équipe d'entraîneurs qu'il a constitué.

« Je suis très bon pour commencer un chantier, mais pas super pour les finitions. Je ne m'occupe pas des petits détails. C'est pour ça que je m'entoure de gens chargés des finitions. Je sais ce que je veux, je peux le mettre noir sur blanc, mais je m'ennuie facilement.

« Avec ce confinement je me suis ennuyé ; c'était trop calme. Or, j'ai besoin de bordel, d'action, que des choses se passent. Mais je connais mes forces et j'amène des gens autour de moi pour m'aider. Au fil du temps, j’ai eu des gens extraordinaires qui sont des experts dans leur travail », a-t-il expliqué dans le podcast de Will Greenwood.

Charismatique et créatif, il adore raconter des histoires pour mieux se faire comprendre. « Le mot dirigeant vient du temps où les gens dirigeaient les bateaux pour aller n'importe où. Il y avait des types dans la salle des machines, d'autres à la navigation, d'autres pour scruter l'horizon et veiller aux icebergs ; ils étaient les meilleurs à leur poste.

« Or, quand une tempête arrive, est-ce que je perds mes nerfs, est-ce je descends dans la salle des machines pour faire le travail moi-même ? Est-ce que je veille à la navigation ? Non, je dois leur faire confiance et rester connecté en parlant la même langue. J'intègre les informations qu'ils me transmettent et je prends la décision. »

Rumble in the Jungle

Robertson a des images plein la tête pour faire comprendre son point de vue et donner vie à ses idées. La façon dont il crée une culture d'équipe et un objectif commun se reflète dans le jeu des Crusaders.
Il admet tirer son influence... de Mohammed Ali. Comme le boxeur, qui a souffert pendant neuf ans avant d'affronter George Foreman, les Crusaders n'étaient pas favoris, mais ils sont allés jusqu'en finale, ont fait mentir les pronostics et ont remporté leur propre « combat dans la jungle » contre les Lions dans l'atmosphère surchauffée de l'Ellis Park à Johannesburg.

« On a réalisé des choses que personne ne pensait possible – personne n'a jamais traversé l'Océan Indien et gagné devant 63 000 personnes à l'Ellis Park. Et pourtant, on l'a fait. Et on a recommencé. »

Scott Robertson n'a jamais eu peur de casser les codes, qu'il s'agisse de devenir le premier (et seul) All Black à sortir du Mount Maunganui College ou de célébrer la victoire des Baby Blacks au Championnat du Monde des U20 en 2015 non pas avec la poignée de main habituelle et une accolade, mais avec un peu de breakdance. Désormais, c'est devenu une tradition pour lui.

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