Patricia Garcia n'a pas réalisé tout de suite. Elle a attendu d'avoir le tampon sur son passeport, avec le logo de Rio 2016, pour qu'elle y croit vraiment. Oui, elle allait devenir une athlète olympique. Elle a rêvé longtemps des Jeux et une fois la confirmation que le Sevens ferait partie du programme olympique dès 2016, elle et ses coéquipières espagnoles ont consacré toute leur vie à ça.

Néanmoins, la route pour Rio n'a pas été aisée. La qualification n'a été obtenue que six semaines avant le tournoi olympique, lorsque Patricia a passé 14 des 19 points de l'Espagne contre la Russie en finale du tournoi de repêchage à Dublin.

« Ce jour-là, nous étions euphoriques et nous étions soulagées d'y être arrivées », dit-elle. « Mais jusqu'au moment où tu pénètres avec ton équipe dans le village olympique, ou sur le terrain des JO, tu ne réalises pas vraiment ce que tu es en train de vivre. »

L'histoire commence par un France-Espagne

Patricia a peut-être mis du temps à réaliser qu'elle était devenue une Olympienne, mais bien moins de temps à entrer dans l'histoire du rugby à 7 aux Jeux olympiques. A 11h ce 6 août 2016, alors que le Deodoro Stadium se remplit gentiment, c'est elle qui donne le coup d'envoi. Le ballon tombe sur son pied droit en direction du camp français. L'histoire est en marche.

« On savait qu'on jouerait le tout premier match de l'histoire du Sevens aux Jeux olympiques, hommes et femmes confondus, et c'était un France-Espagne, ce qui était un très beau derby », raconte-t-elle. « C'était marrant parce que c'était un moment historique. Mais j'ai ressenti un peu de pression parce que tu imagines donner le coup d'envoi du tout premier match de rugby à 7 aux JO et tu vas pas plus loin que 10 mètres ? Il était impossible que je manque ce coup de pied parce que je savais que tout le monde regardait ! »

Patricia a pu souffler ; le ballon a été au-delà de dix mètres. Mais 14 secondes plus tard, le retour a été brutal avec Camille Grassineau, casque vissé sur la tête et lancée comme une fusée, qui a marqué le premier essai olympique. Moins d'une minute plus tard, c'était au tour de Lina Guérin.

« On savait que ça pouvait être dur contre l'Espagne si on ne jouait pas bien pendant la première période, si on leur donnait trop de ballons et qu'on ne mettait pas assez d'intensité dans notre jeu ; on savait que ça pouvait être un match piège et qu'on pouvait même le perdre », se rappelle Jade Ulutule qui, à ce moment-là, portait encore son nom de jeune fille, Le Pesq.

« Nous étions concentrées et on voulait faire du mieux possible sur le terrain. Je pense qu'on a commencé à y croire à la pause et à la fin du match quand on a réalisé qu'on s'en était sorties. »

Première victoire

Un essai de Caroline Ladagnous a permis d'étirer le score 19-0 au début de la seconde période avant que Patricia Garcia ne transforme son propre essai. « On a marqué et on s'est dit qu'au moins on avait pu marquer un essai parce que le match n'a pas été génial pour nous », sourit-elle. « A la fin, quelqu'un m'a dit que c'était le tout premier essai transformé par son marqueur aux JO. »

Mais tous les espoirs d'une remontada espagnole ont été anéantis par un quatrième essai français, marqué par Élodie Guiglion, qui a donné le score de 24-7, impossible à rattraper. Ce n'est qu'à ce moment-là que Jade la remplaçante a fait ses premiers pas dans le tournoi olympique.

« C'était plus facile pour moi d'arriver à ce moment-là parce qu'on gagnait », se souvient-elle. « Je me suis dit qu'il fallait que je fasse comme d'habitude, que je mette de la puissance et de la fraîcheur au service de l'équipe pour leur donner encore un peu plus de confiance. »

Après cette victoire, la toute première d'un match de rugby à 7 aux Jeux olympiques, les deux équipes se sont retrouvées en demi-finale du match pour la cinquième place où la France a gagné une nouvelle fois. La France terminera les JO à la 6e place et l'Espagne à la 7e.

Sur les traces de son père

Le 9 août 2016, toujours à 11h, était prévu le premier match du tournoi masculin et, hasard du calendrier, la France était encore chargée de jouer en premier. Pour Pierre-Gilles Lakafia, jouer contre l'Australie au Deodoro Stadium était comme l'aboutissement d'une destinée, entamée quelques années plus tôt par son père, Jean-Paul, qui avait concouru aux Jeux Olympiques de Los Angeles en 1984.

« J'ai toujours été très fier de mon père parce qu'il était un lanceur de javelot aux Jeux olympiques pour la France et, déjà quand j'étais gamin, j'étais fier de dire qu'il l'avait fait à Los Angeles », confie Pierre-Gilles à World Rugby. « Quand ce rêve s'est réalisé, que moi aussi je pourrais participer aux Jeux olympiques, j'ai réalisé que je faisais la même chose pour mes enfants que ce que mon père avait fait pour nous. J'étais super fier de faire pareil que mon père. »

Ce jour-là, Jean-Paul était dans les tribunes du Deodoro Stadium avec la maman de Pierre-Gilles pour assister à la victoire de la France 31-14 sur l'Australie qui avait pourtant terminé sept places et 49 points devant eux au classement de la saison 2016 du HSBC World Rugby Sevens Series.

« Il y avait beaucoup de pression, mais nous étions prêts à le faire », assure Pierre-Gilles. « Sur l'ensemble de la saison, on savait que l'Australie était meilleure que nous, mais que sur un match, avec en plus la pression des JO, on pouvait les battre.

« Et je pense que c'est une des composantes de la mentalité française. Lorsque tout le monde s'attend à ce qu'on gagne, on perd. Et à l'inverse, quand tout le monde s'attend à ce qu'on perde, on gagne. Et c'est ce qu'on recherchait justement. Personne ne s'attendait à ce qu'on gagne et comme on le voulait plus que tout, on l'a fait. »