Ils ne sont pas nombreux ces joueurs russes à évoluer ailleurs que dans le championnat national russe, le Rugby Premier League (Профессиональная регбийная лига). Avant la Coupe du Monde de Rugby 2019 au Japon, on n'en comptait que deux, dont Andrey Ostrikov. Son histoire d'amour avec l'Europe remonte à avril 2006, au championnat du monde des moins de 19 ans qui a lieu à Dubaï.

C'est l'année où le futur All Black Colin Slade est sacré meilleur marqueur du tournoi et où la France termine à la troisième place. Dans la deuxième division, la Namibie s'impose face à Taïwan en finale, équipe que la Russie avait pourtant battu lors de son premier match de poule (36-14), avant de s'effondrer contre l'Uruguay puis les Fidji.

Dans le groupe russe pourtant, un grand gaillard ne passe pas inaperçu : Andrey Ostrikov, 2 mètres pour 121 kg aujourd'hui. Le deuxième-ligne montre toute sa puissance, met en avant ses qualités de sauteur – sans doute héritées de ses premières années en tant que volleyeur - et sa propension à jouer balle en main.

Ça ne fait que quatre ans qu'il joue au rugby et montre déjà un potentiel extraordinaire. Autour du terrain, plusieurs détecteurs de talent le remarquent. Mais c'est le SU Agen (Top 14) qui lui fait signer un contrat de trois ans. On en est 2006, Andrey a 19 ans, et sa carrière ne fait que commencer en dehors de la Russie.

Il n'a jamais joué en club en Russie

« J'ai reçu une invitation pour des tests d'entraînement avec Agen après la Coupe du monde de rugby des moins de 19 ans à Dubaï. Les tests se sont bien passés, donc à 19 ans j'ai signé un contrat de 3 ans avec SU Agen », raconte-t-il à World Rugby.

« Je n'ai jamais joué en Russie au niveau professionnel. J'apprécie aussi le style de vie et le rugby ici en France. Je crois aussi que le rugby en France est plus professionnel qu'en Russie et j'ai toujours voulu jouer en Europe. »

Après Agen, Andrey poursuit à Aurillac avant de passer huit ans au sein de Sale Sharks (sous les ordres de Kingsley Jones qui deviendra en 2011 le sélectionneur de l'équipe nationale de Russie), puis de revenir dans l'hexagone, à Grenoble, où il a posé son sac à l'été 2019.

"Si le rugby en Russie continue de se développer comme au cours des deux dernières années, nous irons dans la bonne direction."

Andrei Ostrikov

Durant tout ce temps pourtant, Andrey a à chaque fois répondu présent aux appels de sa mère-patrie, la Russie. Son premier test est le 1er mars 2008 au Yunost Stadium de Krasnodar où les Ours battent Os Lobos du Portugal 41-26. 37 autres sélections suivront (il ne sera que deux fois remplaçant), dont quatre en Coupe du Monde de Rugby ; celle au Japon à l'automne 2019 où il a été trois fois titulaire.

20e au classement mondial

« Je pense que la récente Coupe du Monde a été un grand pas en avant dans l'évolution du rugby russe », dit-il. Malgré les résultats – quatre défaites – l'équipe se distingue par son humanité et son fair-play à l'image de son emblématique capitaine à la fière moustage, Vasily Artemyev. Aujourd'hui, la Russie pointe à la 20e place au classement mondial World Rugby, soit quatre de mieux qu'à la fin de la Coupe du Monde qui n'était que la deuxième de son histoire.

« Si le rugby en Russie continue de se développer comme au cours des deux dernières années, nous irons dans la bonne direction. Nous devons nous concentrer sur les jeunes talents qui remplaceront la génération actuelle », assure Andrey Ostrikov.

Avec 365 clubs et plus de 21 500 joueurs licenciés, la Russie, membre de World Rugby depuis trente ans, revient sur la scène internationale, forte de ses joueurs qui ont réussi à faire sortir le rugby de ses frontières. « J'ai apporté mon expérience de jeu que j'ai acquise en Europe grâce aux entraîneurs et aux joueurs avec qui j'ai joué », explique humblement Andrey.

Nouvelle image du rugby russe

« Ces dernières années, le rugby en Russie a bien changé et a finalement commencé à se développer. De nos jours, le championnat de Russie devient plus compétitif. Il y a plus d'équipes professionnelles cette saison et certains des matchs seront diffusés sur la chaîne de télévision nationale. L'équipe nationale russe a également eu la possibilité de jouer sur un grand stade célèbre à travers la Russie et tous ont remarqué que beaucoup plus de supporters ont commencé à assister aux matchs de rugby. »

Malgré tout, le puissant deuxième-ligne n'envisage pas de rentrer au pays pour jouer dans l'immédiat. « Je ne sais pas vraiment », admet-il. « Je sais que maintenant je me concentre sur ma carrière de rugby ici en France. Ma famille vit toujours en Russie et j'essaie de leur rendre visite aussi souvent que possible. Mais pour l'instant je profite de ma vie en Europe. »