Dans le couloir de la Prince Park Tower de Tokyo, Jérôme Garcès marche à pas lents, le visage fatigué, les traits tirés. Ce dimanche 3 novembre 2019, la pression est retombée, mais Jérôme, dans son costume de gala, est encore sur un nuage. La veille, il avait arbitré la finale de la Coupe du Monde de Rugby 2019 entre l'Afrique du Sud et l'Angleterre. C'était alors la première fois qu'un officiel de match arbitrait une finale de Coupe du Monde de Rugby. Quatre ans plus tôt, il était également devenu le premier français à avoir arbitré une demi-finale de Coupe du Monde en Angleterre.

Pour Jérôme Garcès, cette finale de Yokohama n'était évidemment pas un match comme les autres. Mais parmi tous les enjeux que cela représentait, c'était aussi le dernier de sa carrière. Tant d'émotions à gérer et à remiser au second plan pour se concentrer sur sa tâche a été sans doute la partie la plus difficile à appréhender pour lui.

« La préparation, c'était quatre jours assez intenses », nous confie-t-il. « On essaie d'aborder la finale de la même manière qu'un match normal, mais on sait très bien l'enjeu, le poids des responsabilités qui est énorme sur une finale de Coupe du Monde. On essaie de faire abstraction de tout ça dans la semaine. Et le jour J, il faut se dire qu'il faut arbitrer comme je l'ai fait depuis 26 ans. C'était ma 26e année d'arbitrage et mon dernier match. Je pars soulagé et heureux. »

Une passion commune avec son papa

Quatre ans plus tôt, alors qu'on l'interrogeait sur le tournoi au Japon, il nous avait assuré avec un grand sourire : « Je ne serais pas trop vieux pour la Coupe du Monde de Rugby 2019 ! 2019 est un objectif. Pour y participer il faudra réaliser de très bonnes performances. Quatre ans, c'est à la fois court et long, c'est surtout être performant au niveau international ».

Cet ancien motoriste d'hélicoptère béarnais de 46 ans a su tracer sa voie avec rigueur et professionnalisme. Ancien arrière en fédérale 2, c'est l'arbitrage, sa passion qu'il partage avec son père lui-même ancien arbitre, qui l'a porté au plus haut niveau mondial. Il commence en Top 14 pendant quatre ans puis en 2010 passe professionnel ; il est alors le cinquième arbitre pro en France. Il signe un contrat de deux ans au début. Dix ans plus tard, il est encore là.

On le repère sur le Tournoi 2011, il est réserviste pour la Coupe du Monde de Rugby 2011 au cas où, arbitre aussi bien dans l'hémisphère nord que dans l'hémisphère sud, sur le Tournoi ou le Rugby Championship. Il fait partie des 12 arbitres retenus pour la Coupe du Monde de Rugby 2015, puis sera du voyage au Japon quatre ans plus tard où il sera chargé d'arbitrer la finale.

Il a intégré la direction nationale de l'arbitrage

« Je me sens fier du travail accompli. C'était une finale assez dure à arbitrer. Mais très heureux de pouvoir siffler ce coup de sifflet final à la fin du match. C'était un match avec beaucoup de pression, mais je pense l'avoir bien géré », glisse-t-il, simplement.

« A la fin du match on se sent extrêmement fatigué, épuisé, aussi bien physiquement que mentalement parce qu'un match comme ça, ça épuise. Mais bon, la famille était là, les amis, les proches... Il y a eu de bons moments à vivre à la fin du match où j'ai pu aller retrouver ma famille dans les tribunes.

Depuis son retour en France, Jérôme Garcès a intégré la direction nationale de l'arbitrage à la Fédération Française de Rugby pour travailler au côté de son niveau directeur, Franck Maciallo où il est en charge des arbitres du secteur professionnel.

Il travaille notamment avec son vieux compagnon Romain Poite avec lequel il avait non seulement débuté, mais il avec lequel il a aussi terminé sur la pelouse de Yokohama pendant la finale.

« On était deux représentants français sur la pelouse pour la finale : Romain en tant que juge de touche et moi en tant qu'arbitre », rappelle Garcès. « C'est une très grande fierté. Fierté personnelle, mais aussi pour la France et l'arbitrage français. Je crois que ça veut dire beaucoup de choses. »