A croire que le fait d’être Français figure dans la fiche de poste d’entraîneur pour emmener l’équipe féminine de rugby à XV du Canada à la Coupe du Monde de Rugby. Kévin Rouet s’en amuse avant de démentir. « Un concours de circonstance », assure-t-il.

Le gaillard de 35 ans venu de Bordeaux est en effet depuis début mars 2022 le nouvel entraîneur-chef du Canada, remplaçant ainsi Sandro Fiorino dont il était l’adjoint en charge de la défense pendant les trois dernières années.

Par cette nomination, Kévin suit les traces de François Ratier, le Charentais – devenu depuis directeur général et technique de Rugby Québec – qui avait emmené les Canadiennes à la cinquième place de la Coupe du Monde de Rugby 2017 en Irlande, une édition qui ne comptait pas encore de quart de finale.

« En fait j’ai migré au Canada il y a 13 ans et avec François nous nous sommes connus ici, à Québec », raconte Kévin Rouet qui fut initié au ballon ovale par son père, féru de rugby.

Un choix de vie gagnant

Si Kévin Rouet est devenu entraîneur professionnel de rugby, c’est par choix. Un peu par pari aussi, lui qui avait suivi des études d’ingénieur, était arrivé au Canada dans le cadre d’un échange étudiant et qui avait commencé une carrière dans une entreprise de conception de ponts en acier. Le pont, c’est assurément le symbole de sa vie, entre France et Canada.

« Le rugby a toujours été ma passion et il y a six ans j’ai décidé de quitter mon métier d’ingénieur. J’avoue que ce n’était pas facile de se lancer au début », admet-il.

Il signe pourtant avec les Élans de Garneau et les Carabins de l’Université de Montréal, puis le Rouge et Or de l’Université Laval où il entraîne déjà un certain nombre d’internationales.

Jusqu’au jour où on lui propose de reprendre le flambeau de l’équipe nationale, aujourd’hui classée troisième au classement mondial féminin World Rugby présenté par Capgemini. Kévin n’hésite pas une minute. « En ce cas-là, tu dis : oui, oui oui », dit-il.

La tâche est immense dans un pays qui n’a pas pratiqué au très haut niveau pendant deux ans du fait de la pandémie de Covid-19. « Ça a été dur de nous regrouper, on a perdu beaucoup de temps », regrette-t-il.

Mais pour palier à ces difficultés, la fédération avait permis à nombre de joueuses de traverser l’Atlantique pour aller jouer, se former, se développer et acquérir d’autres techniques dans les championnats en France et en Angleterre. Expérience qui, aujourd’hui, s’avère ô combien précieuse.

« Comme quoi le Covid a eu du positif et du négatif », sourit le nouvel entraîneur-chef alors que le rugby a repris au Canada. « Pendant tout ce temps, même les joueuses qui sont restées au Canada ont fait preuve de beaucoup de résilience, elles ont travaillé très dur, même à distance. Pas besoin de les superviser. C’est ça aussi la force de cette équipe. Il y a beaucoup de confiance et on ne peut qu’aller crescendo maintenant. »

Un round pour se regrouper en Nouvelle-Zélande

Sa première compétition va arriver vite avec le World Rugby Pacific Four Series du 6 au 18 juin en Nouvelle-Zélande. Un rendez-vous bien placé dans le calendrier international, à près de quatre mois du début de la Coupe du Monde de Rugby 2021 qui sera jouée du 8 octobre au 12 novembre 2022 en Nouvelle-Zélande.

« En fait, le timing n’est pas parfait non plus », nuance-t-il. Car début juin, en effet, c’est la fin des championnats en Angleterre et en France, ce qui fait que certains piliers de l’équipe devraient manquer le match d’ouverture contre les USA le 6 juin à Tauranga.

Les filles devraient être libérées pour les deux rencontres suivantes contre les Black Ferns le 12 juin à Waitakere, puis contre les Wallaroos à Whangarei le 18 juin.

« Malgré ça, c’est une très belle opportunité », ajoute Kévin Rouet qui arrivera avec son effectif en Nouvelle-Zélande le 25 mai. « Nous allons dans la bonne direction, on s’adapte, on a un bon style de jeu. Nous avons envie de prouver que le Canada reste une grande nation du rugby. »

En observation sur le HSBC France Sevens

Passée cette étape, les Canadiennes se retrouveront pour plusieurs semaines de préparation en vue de la RWC 2021 avec trois tests prévus dans les quatre prochains mois : contre l’Italie en juillet puis contre le Pays de Galles en août au Canada et contre les Fidji en septembre aux Fidji.

« Cela va nous permettre de valider les premiers schémas de jeu. On veut juste matcher et voir. Cette préparation, c’est en quelque sorte le début de la fin de la route », indique Kévin Rouet.

Le week-end du 21-22 mai, Kévin se trouvait à proximité de la pelouse du stade Ernest-Wallon à Toulouse à l’occasion de HSBC France Sevens. Il venait en voisin, lui qui termine une pige avec Bordeaux avant de s’envoler pour la Nouvelle-Zélande.

« Je n’y étais pas en mode recrutement », précise-t-il. « Nous avons un bel échange avec l’entraîneur à sept ; nous travaillons ensemble, je connais très bien les joueuses. Nous avons la volonté de faire travailler ensemble le 7 et le XV, de reconstruire un programme, une culture. Nous sommes dans une bonne phase. »